Archive for the ‘Défi littérature policière sur les 5 continents’ category

La vengeance de Maa

03/12/2009

Il ne me manquait qu’un continent dans mon tour du monde des littératures policières pour le défi lancé par Catherine. Il s’agissait de l’Afrique. J’avais déjà fait mon choix mais j’ai finalement eu envie de lire une nouveauté et donc, changement de programme et de pays.

Moussa Konaté est un auteur malien. Il a été professeur de français et il se consacre maintenant à l’écriture de romans et entre autres de polars où il met en scène son héros, le commissaire Habib.

La malédiction du Lamantin commence par le meurtre du chef des Bozos, Kouata, et de sa femme pendant un orage particulièrement violent. Le commissaire Habib se rend sur place avec son adjoint Sosso. Malgré les preuves évidentes concluant à un meurtre, les villageois sont persuadés qu’il s’agit d’une mort surnaturelle, la vengeance du dieu Maa sur la famille de Kouata en raison d’une ancienne querelle.

Habib va devoir affronter la crédulité populaire et l’influence des anciens afin de démasquer le vrai coupable et des mobiles bien plus humains.

Moussa Konaté nous montre la vie à Bamako au sein d’une ethnie. À travers son récit, il raconte la cohabitation entre les croyances ancestrales et la religion, comment le marabout peut se tenir aux côtés de l’imam mais aussi comment ils peuvent affronter la vie moderne, en particulier ce qui a été apporté par les blancs. La lecture qu’en fait l’auteur n’est pas rigide, au contraire, il essaye de nous montrer le meilleur des deux mondes. Il parle de la tradition orale qui se transmet de génération en génération, de la médecine des marabouts qui parfois soigne mieux que la médecine occidentale mais il fait aussi paraître la naïveté de certains et la peur de l’autre. C’est le fait d’avoir placé le personnage de Habib entre les deux mondes qui le rend original et sympathique. Ayant étudié dans une école française, il lui faut essayer de comprendre à nouveau le mode de pensée africain pour arriver à démêler les motifs de ces compatriotes mais aussi trouver la faille pour servir la justice et l’équité auxquelles il croit.

C’est un récit léger et agréable que nous fait Konaté. Un portrait de la société malienne avec une intrigue policière plutôt bien construite. Je serais portée vers des textes plus noirs mais j’ai pris plaisir à ma lecture et j’ai passé un bon moment en compagnie du commissaire Habib, dépaysée, en Afrique.

C’est donc le polar qui clôt mon tour du monde, mes lectures m’auront porté sur les cinq continents mais c’est un voyage perpétuel qui continuera avec mon prochain livre. Vers où ?

Moussa Konaté, La malédiction du Lamantin, Fayard, 2009.

Les brumes de l’alcool

18/11/2009

Le Queensland en Australie, Brisbane sa capitale, ou comment des hommes avides de pouvoir peuvent pourrir un état et une ville. Cela, George ne le sait que trop bien pour l’avoir vu des années plus tôt et avoir été au centre de cela ou plutôt il s’en souvient vaguement car il a tout vécu à travers les brumes de l’alcool et les soûleries. Le scandale date de dix ans auparavant, au moment de la Grande Enquête. Elle a changé la face du Queensland, du moins en apparence. Elle a fait tombée des politiciens pourris, des flics corrompus, des patrons de bars et de bordels. Parmi tous ceux-là, les proches de George, ses partenaires de beuveries, son meilleur ami Charlie et sa femme May qui était aussi sa maîtresse.

Il s’est alors réfugié dans la montagne. Il a arrêté de boire et il essaye de vivre une vie tranquille avec un petit boulot de journaliste. Et pourtant, c’est le genre de passé qui vous rattrape toujours. Une nuit, un corps est découvert près du village. Il s’agit de Charlie, son associé d’autrefois, et il a été assassiné. En retournant à Brisbane pour organiser les funérailles, George va devoir affronter ses vieux démons et essayer de comprendre ce qui est arrivé.

Comme le titre l’indique l’alcool est au centre de ce polar, comment il façonne ceux qui succombent, comment on s’en sort ou pas. C’est l’alcool qui réunit pour la première fois les deux amis, c’est lui qui accroche May et c’est lui qui les entraîne vers l’illégalité. Le dernier verre de l’alcoolique n’est pas toujours vraiment son dernier, la tentation est là toujours très puissante et elle n’attend qu’un incident de parcours. Cela donne des passages très forts de débauches, de déchéances ou encore des combats internes qui peuvent se livrer pour lutter. Derniers verres, c’est le parcours d’un homme, ni héros, ni lâche tout à fait non plus. George oscille entre la fuite perpétuelle et l’affrontement. Il a vécu des années d’excès sans se poser de questions, en prenant ce qu’il voulait au passage. Pas un gros joueur, non, juste bien entouré, sans grande moralité ni loyauté même pour son meilleur ami. Le récit alterne entre le retour de George à Brisbane, son enquête et ses souvenirs de sa vie d’autrefois, comment ils en sont arrivés là.

Andrew McGahan écrit avec beaucoup de talent la déchéance de l’homme, les jeux de pouvoir et les interrogations personnelles. La tension est présente tout au long du roman, le suspense s’installe au fil de la lecture. C’est un roman très noir, il n’y a pas un personnage meilleur que l’autre, tous succombent à un moment donné et dans la majorité des cas, l’alcool est leur poison.

Même s’il s’agit d’un roman, McGahan s’est inspiré d’un fait authentique, l’enquête Fitzgerald, il nous transporte dans une région très éloignée de notre réalité et pourtant, la corruption peut être partout la même.

Une lecture très forte qui nous laisse l’impression d’une sale gueule de bois.

Derniers verres aura été mon étape pour l’Océanie dans le défi Littérature policière sur les 5 continents.

Andrew McGahan, Derniers verres, Actes Sud, 2007 (Last Drinks, 2000) traduit de l’anglais (Australie) par Pierre Furlan.

L’antiquaire mène l’enquête

03/10/2009

Je continue mon tour du monde des littératures policières mais cette fois-ci en me rapprochant de chez moi. L’Amérique est immense et je ne savais pas trop vers où me diriger. Mexique? Dépaysant. Cuba? Chaud, chaud. États-Unis? L’embarras du choix. Et puis finalement pourquoi ne pas regarder directement ici? Parce que le Québec, c’est aussi l’Amérique.
Les lions rampants est le premier volume d’une trilogie ayant pour héros Alexandre Jobin. Major dans la police militaire, celui-ci décide de démissionner à la mort de sa femme. Marre de la misère humaine, il veut vivre tranquillement. Il reprend alors la boutique d’un vieil ami et devient antiquaire.
lions rampantsChrysanthy Orowitzn, une aide-accessoiriste pour une maison de production, vient louer des meubles pour un tournage. Elle emporte entre autres avec elle un petite statuette d’un lion rampant. Sans le savoir, elle est sur le point de déclencher une guerre sans merci entre différents groupes prêts à tout pour mettre la main sur cette statue disparue depuis des années de Slavitzine, un petit pays d’Europe centrale. Et bien sûr de se retrouver au centre du conflit mêlant motards criminalisés et néonazis. Mais Alexandre Jobin ne peut s’empêcher de prendre la défense des plus faibles, surtout quand ils ont des yeux bleu lavande. La course poursuite va les entraîner à travers le Québec en passant par l’Ontario sur fond de conflit international.
Une bonne surprise vraiment. L’action se tient bien et André Jacques dénoue lentement le fil de son intrigue assez longtemps pour nous tenir en haleine. Nous sommes à Montréal et cela se sent à travers les rues, les restaurants, les tempêtes de neige en avril. À travers le vocabulaire bien sûr aussi, mais sans se forcer comme d’autres l’ont fait, tout est naturel et d’autant plus crédible. C’est ce qu’arrive également à faire Jean-Jacques Pelletier dont j’ai déjà parlé, faire du polar québécois à grande envergure, vraisemblable et bien construit. Et c’est ce qui fait la force de ce polar, surtout quand on pense qu’il s’agit d’un premier roman.
Il y a, c’est sûr, des faiblesses, entre autres quelques longueurs, des éléments peu importants au récit qui prennent de la place et au contraire des raccourcis un peu rapides mais c’est dans l’ensemble une lecture très agréable et je suis plutôt tentée d’aller lire les deux titres suivants pour voir si André Jacques continue sur sa lancée.

André Jacques, Les lions rampants, Québec Amérique, 2000.

Secrets de famille en Chine

27/09/2009

Pour le défi littérature policière sur les cinq continents, je me suis cette fois-ci tournée vers l’Asie. Le but du jeu était quand même de découvrir un nouvel auteur et j’ai choisi de lire Diane Wei Liang que je ne connaissais pas avec Le secret de Big Papa Wu.
La jeune Mei Wang a démissionné de son poste de fonctionnaire au ministère de la sécurité publique et a ouvert une agence de détective privé, ou plutôt de conseil puisque le métier de détective est encore interdit en Chine. Mais dans le Pékin moderne, il suffit parfois de jouer sur les mots pour contourner le système. Elle va être chargée par un vieil ami de sa famille de retrouver un bol de jade antique. Pour cela, elle va devoir évoluer dans le milieu des antiquaires de Pékin et fouiller dans le passé de ses propres parents et celui de son oncle Chen.secret de Big Papa Wu
Autant le dire tout de suite, l’enquête est plutôt un alibi pour décrire la vie des chinois actuellement, les différences flagrantes entre pauvres et riches, le fonctionnement terriblement bureaucratique de la société mais aussi le passé de toutes ces familles traumatisées par la révolution culturelle.
Comme pour Qiu Xiaolong, autre auteur chinois, l’enfance de Diane Wei Liang a été marquée par la persécution de ses parents puisqu’elle a grandi dans un camp de rééducation. Elle aussi a quitté la Chine et elle vit aujourd’hui en Angleterre.
Son récit nous amène vraiment dans la vie chinoise et on est plongé dans le quotidien de Pékin avec ses difficultés mais aussi ses immeubles pleins de vie, ses restaurants.
Pourtant, je suis restée sur ma faim. Je trouve que Qiu Xiaolong arrive également à nous montrer tout cela et même beaucoup mieux avec en outre des enquêtes solides. On sent que l’auteur a voulu souligner la difficulté des années 60 et les choix que certains ont dû faire pour survivre et elle y parvient en partie. Cela reste une lecture très agréable qui nous dépayse mais il y manque clairement le petit plus qui aurait fait la différence.
Pour me promener à nouveau du côté de l’Asie, je repartirai donc plutôt suivre les enquêtes de l’inspecteur Chen Cao, le policier poète de Qiu Xiaolong.

Diane Wei Liang, Le secret de Big Papa Wu, NIL, 2008. (The Eye of Jade, 2007) traduit de l’anglais par Odile Demange.

L’homme naît-il bon?

21/07/2009

C’est actuellement la folie Philip Kerr au Québec. Depuis la publication d’un article sur La trilogie berlinoise, on ne vend plus que ça. Et pourtant, ce n’est pas celui-ci que je viens de lire. Il faut bien que je me distingue. Mais les hasards parfois… Un collègue venait de retrouver dans sa bibliothèque A Philosophical Investigation et me l’a ramené. C’est par là que j’ai commencé ma découverte de Kerr et c’était une bonne idée, mon collègue me cerne bien côté littérature.
philosophical investigationNous sommes dans le futur, 2013, pas si lointain d’accord, mais replaçons dans le contexte, le livre a été écrit début 1990. Kerr a dit que c’était en réalité le monde de ce moment-là qu’il voulait décrire. Il faut croire que rien n’a vraiment changé, je m’y retrouve aussi.
On a découvert une manière scientifique, un défaut génétique, de débusquer les tueurs en série, les violents en tous genres, avant même qu’ils ne passent à l’acte. Les renseignements obtenus sont ensuite codés sous le nom d’un auteur classique. Le rêve de toute police, savoir qui est susceptible de commettre un crime. Mais bien sûr, aucun système n’est parfait. Un homme, détecté positif et codé sous le nom  du philosophe Wittgenstein, veut effacer son nom du système. Non seulement réussit-il mais  en plus lui vient l’idée de débarrasser le monde de ses confrères philosophes futurs criminels. Quitte à être violent, autant le faire pour rendre le monde meilleur, non?
Wittgenstein va rapidement instaurer un dialogue avec l’inspectrice chargée de l’enquête, Jake Jakowicz. Échanges philosophiques et actions alternent dans ce roman passionnant. Car les questions qui se posent sont très actuelles. Qu’est-ce qui nous attire dans le meurtre et la violence? « The imitation or simulation of murder has become modern society’s driving recreational force. » L’attrait des jeux vidéos de plus en plus réalistes, des séries policières ou du polar en général rejoignent assez cette affirmation. Je me remets en question en temps que lectrice, simple voyeurisme de la souffrance humaine ou sincère volonté de comprendre la société dans laquelle je vis qui est, que je le veuille ou non, violente? Je penche pour me rassurer du côté de la deuxième.
Kerr pose aussi la question de la responsabilité des gènes dans les actions de ces hommes. Pas si éloigné de notre temps pour qui se souvient que Nicolas Sarkozy parlait d’une pathologie pour les pédophiles. Mais Wittgenstein inverse le problème: Serait-il devenu un tueur si on ne l’avait pas testé et prévenu de son potentiel violent? En serait-il venu aux actes?
Et il y a beaucoup d’autres thèmes de réflexion dans A Philosophical Investigation (qui est également le titre d’un ouvrage de Ludwig Wittgenstein), mêlé à une intrigue bien menée et que l’on suit avec intérêt.
Un peu de réflexion dans un monde de brutes.
Je pense suivre la tendance et lire La trilogie berlinoise, Philip Kerr a clairement quelque chose à nous dire.

Philip Kerr , Une enquête philosophique, Seuil, 1994 (A Philosophical Investigation, 1993)

Cette critique est la première que je vais soumettre pour le défi littérature policière des cinq continents. Philip Kerr, écossais, sera donc mon représentant pour l’Europe.

Même pas cap’

14/07/2009

J’avais découvert le défi lancé par Catherine du blog La culture se partage au début de l’année puis j’avais un peu oublié. Et pourtant l’idée est excellente! Lire en 2009 un polar de chacun des cinq continents et en faire une critique sur son blog. Quand on est nombreux à le faire, cela permet des découvertes et des surprises. J’ai donc décidé de me lancer avec quelques mois de retard.

Première étape: établir ma liste. Pas facile. Et puis je me pose une autre contrainte, pas le droit de reprendre une chronique déjà écrite. L’Océanie? Pas beaucoup d’auteurs de polar dans le coin et puis Le résurrectionniste c’est déjà fait, il me faut trouver autre chose. L’Europe, c’est vaste, tellement à dire et tellement à lire. L’Amérique? Du Sud ou du Nord? La folie du Mexique ou le noir américain.
Mais il me faut faire un choix. C’est donc comme toute liste: imparfait et avec une sensation d’incomplet. Et ça va surtout me donner envie de lire d’autres auteurs et d’en parler parce qu’ils ne sont pas là et que je les ai quelque part exclu. Mais c’est tout l’intérêt de ce défi, il n’est jamais terminé, un voyage perpétuel.

Voilà donc mon tour du monde personnel:
Afrique: Moussa Konaté, La malédiction du Lamantin, Fayard, 2009
Asie: Diane Wei Liang, Le secret de Big Papa Wu, Nil éditions, 2008.
Europe: Philip Kerr, Une enquête philosophique, Seuil, 1994.
Océanie: Andrew McGahan, Derniers verres, Actes Sud, 2007.
Amérique: André Jacques, Les lions rampants, Québec-Amérique, 2000.

Ma première étape sera l’Europe puisque je suis en train de finir ce roman de Philip Kerr vraiment passionnant. Mais je raconterai cela bientôt. Plus que quelques pages.

Et si vous voulez lire les critiques des autres participants, tout est sur le blog défi littérature policière sur les 5 continents.