Vous savez, lorsque vous aimez quelque chose et que vous l’attendez vraiment fort, vous pouvez être vraiment, mais alors, vraiment déçu ? Ben, voilà, Pennac et moi, sur ce coup-là, c’est ça. Déjà quand on m’avait annoncé le retour de la tribu Malaussène avec Ils m’ont menti, j’étais dubitative. Une partie de moi voulait y croire, parce que je les aime tous, de Benjamin, en passant par Clara jusqu’à la nouvelle génération… sauf que cela faisait longtemps, et je ne voyais pas tout à fait comment Pennac pouvait les faire revenir en quelques phrases.
Pour marquer le temps qui passe, il les a vieillis. Les enfants ont grandi, Monsieur Malaussène et ses cousins et cousines sont des adolescents, Verdun est devenue juge d’instruction. Benjamin, lui, reste le même. Il travaille toujours pour la maison d’édition de la reine Zabo. Celle-ci s’est prise de passion pour un nouveau genre littéraire, la vérité vraie (comprendre l’autofiction qui peuple nos rayons actuellement). Benjamin est justement chargé de la sécurité d’un de ces auteurs, car la vérité vraie, parfois, dans les familles, ça fâche !
Il l’a donc planqué dans une forêt du Vercors, proche de la maison où il passe ses vacances et son vévé en profite pour pondre un nouveau volume pour la reine éditoriale.
Pendant que Malaussène fait l’autruche, la France entière est passionnée par la même histoire : qui a kidnappé Georges Lapietà, cet homme d’affaires venant de s’offrir un parachute doré de plusieurs millions d’euros après avoir licencié des milliers d’employés ?
Vous pensez bien que tout cela a un rapport avec la tribu au complet et qu’on va finir par voir arriver la majorité des personnages qui gravitaient dans les précédents romans ; mais je ne vous vendrais pas de punchs, contrairement à la critique du Devoir de samedi dernier !
Alors, oui, on retrouve le ton Pennac, l’humour qu’on aimait, les situations abracadabrantes, et les personnages hauts en couleur ; pour cela, les fans seront comblés. Mais c’était, à mon goût, trop ! Trop de hasards qui tombent bien ou plutôt mal (je sais, c’est un peu le principe de la série, mais trop, c’est comme pas assez) ; trop de personnages qui, du coup, ne sont pas aussi développés qu’ils le pourraient ; et puis, à mon avis, trop de volonté d’être original (Verdun qui s’enlaidit chaque matin, qui se met une moustache, son mari qui parle en breton), trop, c’est trop ! Idem pour le style et les phrases typiques Malaussène, ça croule un peu d’images se voulant drôles et différentes.
Au-delà de ces réserves qui visent le texte en lui-même, il y a la structure du livre et ce lexique de fin de roman qui m’a empoisonné la lecture. Je comprends la volonté de l’éditeur de rappeler au lecteur lointain qui sont les différents personnages, mais je déteste qu’on interrompe ma lecture sans cesse ; surtout que l’information aurait pu être glissée subtilement dans le texte ou bien en note de bas de page. Ma frustration augmente un peu quand on coupe mon élan pour me dire que Sam Peckinpah était un réalisateur. Bon d’accord, tout le monde n’est pas obligé de le savoir, mais va-t-on vraiment tout traduire ? Si je ne sais pas, je vais voir Wikipédia ! J’ai l’impression d’un nivellement vers le bas.
Alors, oui, ma critique est assez négative, il faut dire que ma déception est probablement proportionnelle à l’attente que j’avais ; et je ne sais pas si j’irai lire la suite. Je suis sûre que certains fans seront ravis, retrouveront la tribu avec tout le plaisir qu’il se doit et penseront que je suis bien difficile. Après tout, qui suis-je pour juger Pennac et Gallimard ? Ben justement, un certain Daniel m’a un jour appris dans Comme un roman que j’avais tous les droits. Ma tendresse pour l’auteur est intacte, mais je n’ai quand même pas aimé ça !
Daniel Pennac, Le cas Malaussène T.1, Ils m’ont menti, Gallimard, 2016.