Arnaldur sans Erlendur

Mon silence devenait long! Il faut dire que mes lectures n’ont pas toutes été passionnantes. Je commence seulement à me rattraper. J’ai terminé La rivière noire il y a quelque temps déjà, mais le dernier roman d’Arnaldur Indridason vaut tout de même qu’on en parle.

Cette fois-ci, pas d’Erlendur, parti en vacances, c’est donc son adjointe Elinborg, avec l’aide de Sigurdur Oli, qui va être chargée d’une affaire de meurtre. On a retrouvé le corps d’un homme égorgé dans son appartement. Il n’y a pas vraiment d’indices si ce n’est la présence dans ses poches de Rohypnol, la drogue du viol. S’en est-il servi et sa victime s’est-elle défendue? Pour le savoir, Elinborg va devoir découvrir qui était vraiment Runolfur dont on ne connait presque rien.

Même sans son enquêteur attitré, Arnaldur Indridason garde parfaitement son style. Il installe une atmosphère, s’attache à la vie de ses personnages avant de s’attaquer réellement à l’enquête. Cela donne une ambiance plus familiale à travers le regard d’Elinborg et son quotidien avec son mari et ses trois enfants adolescents. Les relations sont bien plus pacifiques que dans le rapport habituel d’Erlendur avec les siens, mais elles ont également leurs difficultés.

Comme toujours dans les polars de l’auteur islandais, c’est sa société qui apparaît. Dans ce cas-ci, il s’attaque plus particulièrement aux violences sexuelles, à des viols commis par des inconnus dans une population où, il y a peu, tous se connaissaient. C’est la crainte pour la police d’être de plus en plus confrontée à des crimes qu’ils ne pourront pas résoudre malgré toute leur volonté. Comment reconnaître un homme capable de cela et comment protéger toutes les victimes potentielles? Cela peut aussi poser la question de comment traiter un meurtre quand la victime paraît moins innocente que le coupable présumé. Dur dilemme!

Quel que soit le sujet abordé par Arnaldur Indridason, il en revient toujours à nous parler de l’Islande qui évolue à une vitesse grand V, partagée entre habitude et nouveauté importée. Elinborg personnifie parfaitement cela avec sa passion de la cuisine, sujet très présent dans le roman. On nous parle des traditions culinaires islandaises, avouons-le beaucoup moins appétissantes que celles décrites par Donna Leon avec Brunetti, et de l’attrait provoqué par les fast-food. Elinborg de son côté essaye d’allier plats étrangers et éléments islandais pour mieux se les approprier. C’est peut-être d’ailleurs le message implicite, oui à l’ouverture vers le monde, mais en tentant de toujours y apposer sa particularité.

L’enquête comme d’habitude se tient parfaitement, on apprend peu à peu les détails et les indices au fil des recherches. Je regrette une certaine lenteur que je n’avais pas ressentie à la lecture des précédents. La vie d’Elinborg est intéressante, elle permet de poser d’autres éléments, mais peut-être y a-t-il trop de sujets abordés et cela a parfois détourné mon attention.

Arnaldur Indridason arrive tout de même à nous amener ailleurs tout en nous disant que l’homme est partout le même et on ne se refuse pas le voyage.

Arnaldur Indridason, La rivière noire, Métailié, 2011 (Myrká, 2009) traduit de l’islandais par Éric Boury.

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5 commentaires sur “Arnaldur sans Erlendur”

  1. Éric Forbes Says:

    Dire que je ne partage pas ton opinion serait un euphémisme… C’est en lisant ce livre que je me suis aperçu que c’est le personnage de Erlendur qui fait que les livres de Indridason sont, la plupart du temps, remarquables. Ce que je me suis ennuyé avec Erlinborg et sa vie familiale, et ses livres de cuisine, et le blogue de son fils ! Des harlequineries dignent de Camilla lackberg! Je sais, j’exagère, mais Indridason m’a tellement déçu que je me permets quelques méchancetés ! Pour Camilla, cependant, je persiste et je signe: que des harlequineries ! D’ailleurs, dans l’abondante production nordique que les éditeurs nous sortent, ça semble être une constante, récemment, les polars où la vie familiale prend le pas sur l’enquete policière. Hammett et Chandler, les pauvres, doivent se retourner dans leurs tombes !

    • Morgane Says:

      C’est parce que tu ne dois pas être un gastronome, c’est tout 🙂
      Je comprends ce que tu veux dire et les longueurs que je reproche étaient effectivement ces passages-là même si je me suis ennuyée moins que toi. En même temps, il y a eu d’autres romans d’Indridason que j’avais moins aimés car je les trouvais trop longs aussi.
      C’est vrai que la vie de famille est à la mode mais cela peut être très bien fait comme avec Donna Leon et son Brunetti et je suis sûre qu’il y en a d’autres. Le problème dans le cas de Camilla Lackberg est que cet aspect prend totalement la place de l’intrigue policière et qu’il ne reste plus grand chose à nous mettre sous la dent.

  2. Éliane Vincent Says:

    Allô Morgane

    Je me sens un peu responsable de tes lectures ennuyantes, mais ça permet d’apprécier mieux le talent quand on le retrouve!

    En ce qui me concerne, je suis une bibitte rare qui n’a jamais su apprécier le talent islandais. Le spleen généralisé des auteurs de ce nordique pays me laisse… de glace! Je laisserai donc cet Indriason uax inconditionnels, puisqu’il ne semble pas accrocher même ses fans habituels.

    Contente que tu sois de retour, et je te souhaite des lectures plus riches et moins indigestes… pour Pâques!

  3. norbert spehner Says:

    Et vous n’avez encore rien vu ! … La « matantisation » du polar est un phénomène exponentiel qui, dans les pays anglo-saxons, notamment prend des proportions épidémiques et inquiétantes.
    Je vous livre en vrac les sous-titres éloquent de certaines niaseries sans nom parues récemment aux USA (et que dieu merci on n’a pas osé traduire, enfin pas encore…): il y a …acrochez-vous… des PTA Parent-Teachers Organisation mysteries, des Southern Sewing Ring Mysteries, des Donut Shop Mysteries,
    des Peperroni Pizza Club Mysteries, des Embroidery Mysteries, des Party Planning Mysteries, des Cheees Shop Mysteries (The Long Quiche Goodbye), des Memphis BBP Mysteries, des Dog and Cat Mysteries, les innombrables polars bouffe avec ou sans recettes pour tante Berthe, et j’en passe et des meilleures. Andréa Japp se met à la chick lit, Chrystine Brouillet au polar CLSC, même le défunt Robert Parker avait entrepris une série avec une héroine spécialiste du toilettage des chiens… Au secours ! Il faudra bien que quelqu’un se penche un jour sur ce phénomène de pollution hormonale de notre genre favori !
    A bas le polar bigoudis, le suspense tricot et le thriller ouaf ouaf !

    • Morgane Says:

      J’hésite largement entre pleurer et rire mais je crois que je vais choisir d’en rire: The long quiche goodbye? Ils ont vraiment osé? Un peu de violence s’il vous plait! 🙂


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