C’est lundi soir et je suis très fatiguée et ravie en même temps. Parce que ce n’est pas tous les jours que j’ai la chance d’interviewer à la fois un ami et des auteurs que j’aime. Il y avait comme une certaine nervosité de ma part, pourvu que je sois à la hauteur. Heureusement, je n’étais pas seule, Éric était là aussi.
Nous faisions donc une émission spéciale d’une heure de Mission encre noire en compagnie de Martin Michaud, Patrick Senécal et Richard Migneault pour souligner la parution du livre Crimes à la librairie aux Éditions Druide.
Pour les écouter parler du projet en lui-même, de leurs nouvelles respectives et du monde du polar québécois, l’émission est déjà en ligne et en baladodiffusion sur le site de Choq.ca.
J’ai même eu droit à une info hors ondes que les lecteurs français apprécieront (maman, tu peux aller demander à ton libraire sous peu), les romans de Martin Michaud seront bientôt disponibles de l’autre côté de l’Atlantique aux éditions Kennes.
Je voulais quand même en dire un peu plus sur le recueil en question sur Carnets Noirs. Tout est parti de l’envie de Richard Migneault, du blog Polar, noir et blanc, de mieux faire connaître le polar d’ici. Il a donc contacté des auteurs et un éditeur, et 18 mois plus tard, sort le fameux livre aux Éditions Druide. Crimes à la librairie regroupe 16 écrivains autour d’un même thème, qui, je pense, a dû demander beaucoup d’imagination. Comment créer des histoires de crimes dans un lieu si tranquille ? Ils ne savent probablement pas tout ce qui se passe dans la tête d’une libraire passionnée de polar !
Cela donne 16 nouvelles, toutes très différentes, qui vous permettront de retrouver des auteurs très connus et d’autres que vous découvrirez peut-être, mais avec grand plaisir. Le très bon côté de l’ouvrage, c’est qu’il y en a pour tous les goûts : horreur, avec une pointe de fantastique, enquête, noir, humour noir, plus engagé ou pas, demandez et vous serez servis !
Bon, la difficulté maintenant, donner mon avis personnel alors que Richard est mon collègue blogueur et que j’ai l’immense honneur d’avoir mon nom dans les remerciements. En même temps, pas si ardu que ça puisque j’ai aimé toutes les nouvelles. J’en ai bien sûr des favorites, je suis humaine après tout, mais je suis sûre que chaque lecteur y trouvera les siennes. En vrac et dans le désordre :
Ma préférée, s’il en faut une ? Celle de Benoit Bouthillette, Le psaume du psoque, parce que je l’ai trouvé brillante. L’histoire est intelligente, l’écriture aussi, les références sur le polar très chouettes et la réflexion sur la littérature faite avec humour. J’y ai en plus découvert son héros que je ne connaissais pas et que j’ai apprécié immédiatement. Mon coup de cœur, quoi !
En parlant de héros, j’espère bien qu’on reverra passer celle de Geneviève Lefebvre. Elle est différente de ce qu’on lit d’habitude dans le polar québécois et elle ouvre de nombreuses possibilités. Et puis, je ne peux pas dire la fin, mais j’ai beaucoup aimé sa résolution.
Et sinon, il y a bien sûr Martin Michaud qui nous replonge dans l’Amérique. Il joue du thème en trichant presque, mais il s’en sort tellement bien qu’on s’en moque. Vous trouverez dans le recueil des nouvelles qui se concentrent plus sur le milieu littéraire et de la librairie, qu’il n’est pas si difficile de reconnaître ou du moins imaginer; c’est le cas avec Robert Soulières, Jacques Côté et Florence Meney. Johanne Seymour nous étonne jusqu’à la dernière ligne dans sa nouvelle qui nous parle plutôt de la littérature et qui mettra en joie certains lecteurs. Après avoir lu les textes de Richard Ste-Marie, Martine Latulippe et André Jacques, vous vous demanderez ce qui peut bien se passer dans les murs d’une librairie (petite mention spéciale pour celle de Richard Ste-Marie que j’ai vraiment apprécié). Chrystine Brouillet garde Maud Graham pour une enquête dans les livres. Patrick Senécal et Ariane Gélinas vous amèneront sur le chemin du glauque et de l’horreur tandis que Mario Bolduc nous transporte en Croatie dans sa nouvelle Mon combat, un texte avec beaucoup d’humanité sur les sentiments d’un père (une de mes favorites aussi). Camille Bouchard fera plaisir à ceux qui aiment l’humour noir comme moi. Quant à Sylvain Meunier, il met en scène un meurtrier et des victimes que les acteurs du milieu du livre québécois connaissent bien.
On pourrait craindre la répétition. Ce n’est pas le cas, les seize auteurs ont tous trouvé des manières originales d’utiliser le thème pour le mettre à leur style et leur ton. Certains en ont profité pour nous faire sentir leur affection pour leurs librairies, peuplés de gens passionnés et pas des marchands du temple et je suis sûre que tous mes collègues apprécieront. Beaucoup se retrouvent pour parler du pouvoir des mots et de ce qu’ils peuvent provoquer. Une librairie, ce n’est pas seulement des murs, c’est beaucoup de contenu aussi.
Le but de Richard Migneault était de réunir dans un livre certains des auteurs d’ici pour qu’on les connaisse mieux. Mission réussie ! Je suis sûre que cela aidera au Québec, pour permettre de montrer des écrivains que l’on voit moins souvent, mais aussi en France, parce qu’il n’y a pas de raison que notre polar ne perce pas là-bas !
On sent mon enthousiasme ? J’espère bien ! Parce que je ne suis pas normalement une lectrice de nouvelles, mais là, les seize auteurs et leur directeur littéraire ont réussi à m’amener dans seize univers très différents, mais tous aussi prenants. Et je ne dis même pas ça par crainte qu’ils me tuent dans un prochain volume. Et puis, allez donc voir par vous-même si vous pensez que j’exagère !
Pour me faire plaisir, un petit bout de Benoit Bouthillette : « Mais le millénaire a culminé avec Millenium, et le récit policier est devenu extension téléscriptée de CSI. Un divertissement. Les scénaristes se sont approprié le genre et Jack Taylor a cessé de boire. »
Ouf, heureusement, ce n’est pas tout à fait vrai encore, les auteurs de ce recueil le prouvent.
Dirigé par Richard Migneault, Crimes à la librairie, Éditions Druide, 2014.