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Un Écossais plus que l’autre

17/01/2017

Voici un texte qui traînait depuis des semaines dans mes dossiers. Il est temps de le publier pour mieux passer à la nouvelle année ! Donc, deux de mes dernières lectures 2016, une moins plaisante que l’autre, mais pourquoi ne pas en parler aussi !

Je commencerais par la moins heureuse. Comme préambule, il serait peut-être juste de spécifier que je ne suis pas une fan de sports, en particulier de foot (le soccer des Nord-Américains !). Je ne m’étais donc pas précipitée vers la nouvelle série de Philip Kerr, alors même que j’avais lu tous les Bernie Gunther.

main-de-dieuÀ la sortie de La main de Dieu, je me suis dit qu’il fallait laisser la chance au coureur et qu’après tout, l’auteur étant excellent, j’allais peut-être me mettre à aimer le ballon rond. En plus, je ne suis pas complètement néophyte et je le savais bien que la main de Dieu, ça avait un lien avec Maradona! Verdict ? Pas pantoute ! Le foot ne passe pas, même en polar. J’y ai mis du cœur pourtant, je l’ai lu jusqu’au bout, mais on doit attendre la moitié du roman pour voir un mort (enfin, de l’action autre qu’un penalty !) et le tout est mêlé de récit de matchs. Promis, si je me faisais présenter encore une fois un changement de joueur, j’allais sur le terrain casser la gueule à l’arbitre !

Allez, j’exagère peut-être un peu pour le plaisir de la critique. L’enquête autour de la mort d’une vedette de l’équipe de London City, lorsqu’elle arrive, est plutôt bien menée. En outre, cela permet à Philip Kerr de parler de la crise financière grecque et des dessous corrompus du milieu footballistique. En prime, les sorties de son héros Scott Manson contre la coupe du monde sont plutôt jouissives. Tout cela n’est donc pas entièrement désagréable. N’empêche que, si vous n’aimez pas voir 22 joueurs courir après un ballon sur un terrain, je vous dirai bien de lire autre chose !

tels-des-loups-affamesUn autre écossais, par exemple ? Parce que, Rankin ne m’a jamais déçu. J’avoue avoir une préférence pour John Rebus, son héros entêté et so Édimbourg, mais je ne déteste pas non plus Malcolm Fox, même s’il est un peu trop clean à mon goût. Mettez les deux ensemble et je prends, sans discuter. C’est le cas dans Tels des loups affamés. Siobhan Clarke se retrouve avec une grosse enquête à gérer, la mort d’un juge. Elle se demande très vite s’il s’agit d’une affaire isolée ou d’un projet plus grand. Mais qu’est-ce qui relie les différentes victimes ? Car l’une des cibles potentielles n’est autre que l’ennemi juré de Rebus, Big Ger Cafferty. Elle aura donc besoin de l’aide de son ancien mentor pour en savoir plus. Et cela fait le bonheur de Rebus, qui ne veut pas l’admettre. En même temps, la retraite ne lui convient pas particulièrement. Il a beau faire de l’humour noir, les journées sont longues à remplir quand on n’a pas de carte de bibliothèque et qu’on ne joue pas au golf. Quant à Malcom Fox, il se retrouve à enquêter sur une famille de criminels de Glasgow en voyage un peu trop souvent dans la capitale. Tout cela pourrait-il être lié ? Le monde interlope est-il en mutation complète ? Siobhan et ses collègues ne laisseront pas les règles du jeu changer et cela nous amène dans une enquête complexe et dangereuse.

Peut-être est-ce que c’est simplement parce que Rebus n’aime pas non plus le sport que je lui suis fidèle. Mais je dirai plutôt que c’est une ambiance, des dialogues pleins d’humour, des liens d’amitié qui se créent, même parfois entre ennemis. Et puis Rankin raconte bien ces hommes d’un certain âge qui ne veulent pas lâcher, pas se coucher, que ce soit Rebus ou Big Ger Cafferty. Alors j’embarque avec eux, je les suis au pub, et contrairement à Malcom Fox, moi, je prends une pinte.

Voilà, la page 2016 est tournée. Je vous souhaite une bonne année livresque et je reviens bientôt avec mes lectures 2017 !

Philip Kerr, La main de dieu, Éditions du masque, 2016 (The Hand of God, 2015) traduit de l’anglais par Johan-Frédérik Hel-Guedj.

Ian Rankin, Tels des loups affamés, Éditions du masque, 2016 (Even Dogs in the Wild, 2015) traduit de l’anglais par Freddy Michalski.

Flic au-dessus des flics

12/11/2013

En anglais ou en français, Rankin, je lis! Et donc, seulement quelques mois après avoir apprécié le retour de Rebus en langue originale, j’ai droit à une nouvelle sortie par chez nous.

Pas de Rebus cette fois-ci, mais Malcom Fox, inspecteur aux Plaintes, les bœufs-carotte écossais, ou pour ceux qui ne comprendraient pas, la police des polices. Il s’agit là de sa deuxième enquête (honte à moi, j’avais loupé la première!), mais je le connaissais déjà puisqu’il est le flic qui cherche des poux à Rebus dans Standing in Another Man’s Grave, titre marquant la 18e enquête dans la série Rebus et la 3e dans la série Fox. Je vous ai perdu? Regardez donc Wikipédia. Tout ça pour dire que je lis dans le désordre et que ça m’importe peu.

GuetteursDans Les Guetteurs, Malcom Fox et ses deux coéquipiers sont envoyés dans le comté de Fife. Un policier local, Paul Carter, vient d’être condamné pour abus de pouvoir et les Plaintes sont chargées de vérifier que les collègues de l’homme ont seulement détourné les yeux et ne sont pas complices. Rien de bien difficile, sauf que … bien sûr, ça se complique. Malcom Fox, contre sa hiérarchie, va pousser ses investigations plus en profondeur et découvrir un secret qui dépasse la petite ville. Les années 80 semblent lointaines, mais le sentiment nationaliste n’a certainement pas disparu d’Écosse et en haut lieu, on préférerait que certains dossiers restent fermés.

Vous l’aurez compris, Fox est aussi têtu que Rebus tout en étant son contraire. C’est d’ailleurs ce qui les opposent dans Standing in Another Man’s Grave. D’abord, il ne boit pas, c’est pour dire! Et il est bien plus adepte des règlements (quoique, il y a une limite, mais elle est beaucoup plus éloignée que celle de Rebus). Fox nous permet en tout cas de rentrer dans ce service chargé d’enquêter sur la police. Pas simple à vivre d’être le flic des flics. Ils sont détestés par à peu près tout le monde puisque la population les mélange aux autres et que les policiers les prennent pour des traîtres. En même temps, il faut bien quelqu’un pour surveiller ceux qui appliquent les lois. Malcom Fox sait que son travail est important, mais il s’inquiète aussi sur sa capacité à mener à bien une réelle enquête, et c’est sûrement ce qui le pousse à aller plus loin.

J’ai toujours un faible pour les flics bad boy de polar, ceux qui plient les règles à leur vision, mais j’ai quand même apprécié ce personnage plus propret. Rankin l’a construit solide et en nuance. Il s’interroge, essaye de comprendre les motifs de chacun. Et puis il y a le côté plus personnel, la vieillesse de son père et les relations houleuses avec sa sœur; pas simple la famille. En plus, il n’y a pas que lui, ses collègues sont attachants également.

Quant à l’intrigue, elle plonge dans les manœuvres politiques de l’Écosse des années 80, où des groupes extrémistes rêvaient d’indépendance, avec la police et les services secrets qui observaient et manipulaient. De quoi provoquer des réactions violentes, même trente ans plus tard.

Finalement, Rebus? À jamais! Mais je vais garder Malcom Fox aussi.

Ian Rankin, Les Guetteurs, Éditions du Masque, 2013 (The Impossible Dead, 2011) traduit de l’anglais par Freddy Michalski.

He is back!

23/09/2013

Je disais dans ma dernière chronique que je gardais un titre de mes vacances en réserve et il est temps d’en parler. Comme je l’ai expliqué, j’avais décidé cette fois-ci de ne pas m’encombrer du poids de livres et après mon séjour en France, je n’avais plus que la liseuse dans mon sac. Pourtant, à l’aéroport de Stockholm, alors que je patiente pour mon vol vers Berlin et que mes parents ont déjà pris le leur, un livre attire mon attention: Rebus is back! Chouette, je me dis, mais soyons raisonnable, tu l’achèteras en revenant à Montréal. Sauf que… l’attente était longue (au moins une heure!), et puis, j’étais malheureuse parce que je venais de mettre ma famille dans l’avion et que c’est toujours triste, et puis d’abord, quand c’est Rebus, je ne sais pas résister, je suis faible et j’assume. Et voilà comment je me suis retrouvée avec le dernier Rebus, Standing in Another Man’s Grave, dans mon sac à dos.

Standing in Another Man's GraveOn avait laissé John Rebus partant à la retraite, un autre de nos enquêteurs préférés qui jetait l’éponge. Mais c’était mal connaître le bonhomme. Qu’aurait-il pu faire d’ailleurs avec autant de temps libre, à part boire peut-être? Il est donc de retour, mais en civil cette fois-ci, dans le service des affaires non résolues. Il croise une femme qui pense que sa fille, déclarée disparue il y a des années, a été la victime d’un tueur en série. Elle est persuadée que ce dernier agit encore et qu’il est responsable de la disparition d’une jeune fille quelques jours plus tôt. Il n’en faut pas beaucoup plus pour que Rebus s’intéresse à l’enquête, comprendre se jette à corps perdu dessus comme il le fait toujours; pas de demi-mesure chez lui. Il va bien sûr au passage piétiner quelques pieds, froisser des susceptibilités et même mettre en colère son ex-collègue Siobhan qui n’a aucune envie qu’il détruise sa carrière. L’homme est un excellent policier, mais la subtilité n’est pas son fort. Il s’entête, agit malgré tous et franchit les limites sans se poser de questions. Dans son esprit de flic à l’ancienne, la fin justifie les moyens. Mais est-ce encore vrai aujourd’hui?

Un bon cru, ce Rebus? Tout à fait à mon goût en tout cas. Il revient toujours aussi borné et prêt à tout pour obtenir justice, même si cela signifie commettre quelques légers crimes sur le chemin. Cela permet à Rankin de se poser cette fameuse question: jusqu’où peut aller un flic pour obtenir des résultats? Rebus a sa réponse: jusqu’au bout; cela ne veut pas dire qu’il a raison.

Dans Standing in Another Man’s Grave, on voit un héros qui se demande tout de même s’il est encore capable de faire son métier, alors qu’il sait également qu’il n’est bon à rien d’autre. Est-il dépassé? Les plus jeunes flics, comme Siobhan, obtiennent d’excellents résultats avec les technologies; et ça, il ne peut pas le nier. Le choc des générations existe aussi dans la police.

Rankin ne perd rien de son talent de raconteur d’histoires et même alors que j’avais Berlin sous les yeux, je ne pouvais pas m’empêcher de repartir du côté de l’Écosse rejoindre Rebus pour découvrir comment il allait régler cette affaire-là. L’intrigue est à la hauteur et nous mène jusqu’au bout, curieux d’apprendre si tout se résoudra comme on le pense. Rebus est-il, à l’image de sa voiture, trop vieux, mais toujours capable de se rendre jusqu’à la fin? Je vous laisse voir! Pour les francophones, il n’est pas encore prévu, mais je suis sûre que ça ne saurait tarder.

Ian Rankin, Standing in Another Man’s Grave, Orion, 2012.

Est-ce que je vous ai déjà dit que quand je lis un Rebus, c’est la voix de Ken Stott qui parle dans ma tête? J’avais découvert la série télé lors de mon séjour en Irlande et je ne l’imagine plus autrement. Pour ceux qui ne le connaissent pas, le voilà dans une vidéo assez drôle avec l’autre flic écossais, Taggart, dans un affrontement Édimbourg contre Glasgow. Par contre, il faut comprendre l’anglais et même là, ça ne suffira peut-être pas. Vous aurez au moins une idée de comment se lisent les dialogues d’un Rankin en anglais dans mon esprit.

Les auteurs, ça parle aussi

30/10/2011

Je suis une lectrice et non une groupie. Comprendre: rencontrer l’auteur n’est pas essentiel pour moi, la lecture du roman peut me suffire. Il n’empêche que la fan se lâche parfois et qu’il y a des auteurs que j’ai très envie d’entendre s’exprimer.

Je suis donc gâtée ces jours-ci. J’ai d’abord eu droit à Ian Rankin, venu présenter son nouveau livre The Impossible Dead samedi à la bibliothèque de Westmount dans le cadre des évènements Words After Dark organisés par la librairie Paragraph. Francophones, ne cherchez pas si vous en avez entendu parler, la réponse est non. Cela se déroulait en anglais et donc la promotion s’est faite uniquement dans The Gazette. Ce n’est pas une mesquinerie gratuite, je trouve juste dommage que la publicité des rencontres comme celle-là ne se fasse pas pour le public spécialisé dans les deux langues. Et il y a une large part d’autocritique aussi puisque je me dis que je devrais me pencher un peu plus sur ce qui se passe dans l’ouest de l’île. Je m’en serais voulu de rater Rankin.

Il aura réuni une foule assez impressionnante venue l’écouter parler de ses livres. L’homme sait raconter, il est un peu acteur aussi. Très drôle, il a expliqué son cheminement vers l’écriture très tôt et son plaisir de play god parce qu’un auteur décide ce qui arrive à ses personnages. Il part d’un fait divers, de ce qu’il lit dans des journaux et très vite, l’histoire se forme d’elle-même (on n’est certainement pas au bout de ses romans, alors). Il a parlé de ses projets à venir et de ceux auxquels il réfléchissait et qui raviront les fans: une aventure avec Siobhan en solo ou encore un retour de Rebus, pourquoi pas?

Une phrase qui m’aura marquée plus particulièrement est que pour lui: writing is to make sense of the world. Et je crois que les écrivains participent largement à nous offrir ce sens.

Comme quoi, certains auteurs peuvent vraiment donner envie de lire leurs livres.

Ce sera également le cas, je pense, de l’autre rencontre de la semaine.

Cela se passera mardi soir à 18h30 à la librairie Monet. Nous aurons le plaisir de recevoir David Vann, l’auteur de Sukkwan Island et Désolations, deux romans que j’ai beaucoup aimés. Il s’agit aussi de quelqu’un qui n’a pas eu une vie ordinaire et ce sera sûrement un grand moment de l’écouter.

J’hésite toutefois à vous dire de venir nombreux puisque j’aurai la responsabilité (qui me stresse plus qu’un peu, vous pouvez me croire) d’animer la rencontre et que c’est une première pour moi. Mais bon, si j’oublie ce léger, et très personnel, détail, l’homme vaut vraiment la peine que vous fassiez un détour dans le nord de Montréal.

Rebus chez les démons

05/09/2009

Rankin dans le fantastique? Oui, mais avec des bulles. Il vient en effet de sortir un roman graphique publié chez DC Comics dans la collection Vertigo Crime. Il y reprend le personnage de John Constantine créé par Alan Moore en 1985 dans Swamp Thing et qui aura ensuite sa propre série, Hellblazer. Constantine est un privé un peu particulier spécialisé dans l’occulte, il affronte possédés et démons en tout genre. Un producteur de téléréalité vient le trouver pour lui parler de son dernier show: six candidats sont enfermés dans une maison, coupés du monde, filmés sous toutes les coutures. Jusque-là rien que du classique. Le but du jeu? s’amuser avec leur peur, les terrifier, et regarder comment ils s’en sortent. La maison a été conçue pour ça. Et effectivement, les participants ont l’air complètement affolé, ils voient des choses qui les épouvantent. Seul hic, les producteurs n’ont encore rien provoqué, tout cela se passe hors de leur contrôle.
Dark EntriesL’argent est un appât intéressant surtout quand il y a des factures à payer et John Constantine accepte de  s’occuper de cette affaire.
Je n’en ajouterai pas plus pour ne pas dévoiler la clé de l’histoire. Disons seulement que notre privé ne va pas se retrouver là où il le pensait et que le but ultime du jeu (car cela en est un pour les spectateurs du moins) le concerne directement. Intrigué? Vous devriez car cela mérite la lecture.
Il y a bien sûr la manière de raconter de Ian Rankin que l’on retrouve avec plaisir dans un style totalement différent. Il n’est pas facile de passer de l’écriture d’un roman à celui d’un roman graphique, c’est un autre rythme, une narration différente et il s’en tire parfaitement bien. Il mêle ses indices au récit afin de nous mener tout en douceur d’une enquête normale à une histoire complètement fantastique.
Le dessin de Werther Dell’era et le choix du noir et blanc appuient l’avancée de l’histoire et j’ai plutôt apprécié l’idée du contour noir de la page lorsque Constantine comprend où il se trouve (non, je ne vous le dirais pas, ça gâcherait le plaisir).
C’était ma première rencontre avec John Constantine, je ne peux donc pas juger du respect du personnage original qui a également été repris par Neil Gaiman par exemple. Mais le duo Rankin/Dell’era fonctionne parfaitement à mon avis.
Le coup classique de la maison hantée with a twist! Une plongée dans la noirceur pour nous rappeler si on ne le savait pas déjà que la téléréalité n’est pas bonne pour la santé.

Ian Rankin/Werther Dell’era, Dark Entries, DC/Vertigo, 2009.

Pour les amateurs du genre, une nouvelle collection à surveiller, du roman graphique, couverture rigide, en noir et blanc, entièrement dédiée au polar. Pour l’instant, deux sorties seulement, Dark Entries et Filthy Rich de Brian Azzarello et Victor Santos. La suite devrait être prometteuse.