Retour dans les seventies

Est-ce que j’ai déjà dit que j’aimais Dominique Sylvain? Sûrement quand j’ai parlé du dernier livre que j’avais lu d’elle, Guerre sale. Et bien, j’apprécie toujours autant!

Elle revient cette fois-ci avec du nouveau pas tout à fait nouveau. J’explique. Travestis avait été publié en 1998 et il était depuis épuisé. Quand son éditeur lui a proposé de le réimprimer, elle a d’abord souhaité le réécrire, car il ne lui convenait pas tout à fait. Elle l’a tellement retravaillé que le récit s’en est trouvé changé, y compris dans la résolution du meurtre. Et donc, voilà, livre tout neuf et titre original, Le Roi Lézard.

On y retrouve Louise Morvan, l’autre héroïne de Dominique Sylvain. Celle-ci est toujours décidée à élucider l’assassinat de son oncle Julian Eden qu’elle adorait et de qui elle a hérité l’agence Morvan Investigations. Son amant, Serge Clémenti, lui fait rencontrer l’inspecteur Casadès qui avait enquêté au départ avant d’être muté. Avec lui, elle va replonger dans toute une époque remplie de drogues, de musique et d’alcool en compagnie de Jim Morrison au Rock and Roll circus avec le Paris des années 70 en toile de fond.

Clémenti est de son côté occupé à essayer de découvrir qui assassine des SDF sur les quais de la Seine et il a peu de temps pour aider Louise. Leur relation parfois difficile devient plus qu’orageuse.

Le personnage de Louise Morvan est aussi intéressant que ceux de Lola et Ingrid. Là encore, Dominique Sylvain nous décrit une femme forte, sûre d’elle et de son choix de carrière et prête à tout pour arriver à ses fins, quitte à se mettre dans de sales draps à l’occasion. Cela veut dire qu’elle est butée, n’en fait qu’à sa tête et pousse parfois à bout ceux qui l’aiment, ce qui la rend encore plus humaine et attachante.

Dans Le Roi Lézard, elle s’attaque à un décès qui la touche de près, celle de son oncle dont elle ne s’est jamais vraiment remise. Il lui sera plus difficile de rester objective sur ce qu’elle apprend d’Eden et de ne pas se faire manipuler. Était-il vraiment un trafiquant de drogue? Était-il capable de tuer? Elle devra affronter certaines vérités pour savoir qui est responsable de sa mort.

Dominique Sylvain s’attache aussi à nous décrire le milieu rock des années 70 à Paris et elle le fait très bien. Jim Morrison est encore là même si plus pour longtemps et le nouveau titre lui rend d’ailleurs hommage. Une autre époque et une faune différente que nous découvrons avec Louise Morvan.

J’ai aimé le rythme de la narration avec Casadès qui donne ses informations au compte-gouttes à Louise et se joue d’elle. Celle-ci s’impatiente, mais ne peut qu’attendre la prochaine rencontre et le texte rend bien cet état. La juxtaposition des deux enquêtes, celle sur la mort d’Eden et celle du tueur sur les quais de Paris, fonctionne très bien aussi. Passé et présent, même dans des milieux totalement différents, la ville garde toujours sa violence.

La tension forte entre Louise et Serge nous évite de tomber dans un romantisme qui n’aurait pas sa place là. C’est un roman assez sombre que nous offre Dominique Sylvain, comme pouvait l’être Guerre sale, et on en redemande.

Je n’avais pas lu Travestis, je ne peux donc pas faire de comparaison, mais Le Roi Lézard est un livre complètement abouti et très bien réussi que ce soit dans l’intrigue, l’atmosphère ou l’équilibre des personnages.

Tout cela expliquant que, comme je l’ai dit au début, j’aime beaucoup Dominique Sylvain!

Dominique Sylvain, Le Roi Lézard, Viviane Hamy, 2012.

Si vous avez envie de découvrir un nouvel auteur, essayez donc, aussi chez Viviane Hamy, Arab Jazz de Karim Miské. Une écriture poétique, une intrigue qui nous balade, des personnages originaux, que du beau. Pour ma critique plus complète, il faudra attendre la parution du prochain numéro d’Alibis cet l’été. Mais pour le clin d’œil, juste un petit bout qui m’a fait sourire: « En fait, j’ai toujours été convaincu que je ne pourrais aimer véritablement qu’une amatrice d’Ellroy, tout en pensant que cela n’existait pas. En tout cas, pas parmi les séduisantes. » Même pas vrai!

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21 commentaires sur “Retour dans les seventies”

  1. Éric Forbes Says:

    Je sors enfin du placard: les auteures féminins m’ennuient. Voilà, c’est dit !

    • Morgane Says:

      Alors là, va falloir développer! Mo Hayder aussi? Val McDermid? Toutes, toutes? on va les cacher derrière des pseudos et faire un test à l’aveugle 🙂

      • Éric Forbes Says:

        Les premiers de Hayder, McDermid, Grafton, George, Nadelson, Paretsky, j’ai aimé. Mais depuis, bof… McDermid a écrit, il y a une dizaine d’années, une série de polars formidables, je pense entre autre à Au lieu d’execution. Ses derniers, avec le psy et l’enquêtrice, sont pathétiques. Le problème des auteures féminins, c’est que leur public est principalement constitué de madames de plus de 50 ans qui lisent, pêle-mêle, Danielle Steel, Lisa Gardner, Barbara Cartland, Patricia McDonald Tess Gerritsen, Nora Roberts. Ce qui fait qu’elles parsèment leurs livres d’histoires d’amour insupportables qui prennent le dessus sur le côté polar. Mais j’ai l’esprit ouvert. Qu’on me propose des auteurs féminins de calibre, et je me lance !
        Pour le test, je te parie ce que tu veux que je saurai détecter une auteure !


  2. Cher Eric, quand j’écris je n’ai pas de sexe. Et je ne lis ni Cartland, ni Steel, McDonald, etc. mais plutôt Nesbo, Lehane, Rankin. En matière de littérature, je suis comme vous, j’aime assez la testostérone et le poil aux pattes. Reconnaissez tout de même que des auteurs comme Mo Hayder, Natsuo Kirino ou Patricia Highsmith ont (avaient) un talent qui dépasse largement le genre de leurs chromosomes. Certes lorsque l’on parle d’amour dans un polar, il faut travailler dur pour éviter de tomber dans la mièvrerie. Je m’y emploie lorsque une histoire amoureuse et sexuelle s’impose naturellement entre deux personnages (si l’on parle de la réalité de nos vies, pourquoi laisser ce volet fermé ? ). Ne détestant pas les analyses politiquement incorrectes (enfin un peu d’air !), la vôtre m’a interpellée. Ceci étant dit, cela m’énerve un peu. Je déteste les étiquettes et celle de « chick lit » ne me va pas au teint. Pourquoi vouloir toujours nous ranger dans des boîtes ? De toute façon, il m’est arrivée souvent d’entendre des réflexions du genre : « ah, la quatrième de couv ne comportant pas de photo, j’avais cru en vous lisant que vous étiez un homme ». J’adore quand on me dit ça ! Vive la confusion des genres et les surprises.
    Bien à vous
    Dominique Sylvain (l’auteur(e)) du Roi Lézard.

    • Morgane Says:

      @ Éric, j’avais toute une réponse qui se construisait dans ma tête, mais j’ai été battu au poteau par l’auteur en personne. Rien à ajouter. Allez si, un petit peu quand même 🙂 J’ai-tu l’air d’une matante qui lit Danielle Steel, moi? Y’a des coups de pied aux fesses qui se perdent! Plus sérieusement, il me semble que le lecteur moyen est en fait une lectrice et c’est en général passé un certain âge qu’on a le temps et les moyens d’acheter beaucoup de livres. Mais si je me fie aux ventes chez moi, je ne conseille pas Dominique Sylvain aux lectrices de Danielle Steel, par contre j’arrive pas mal à l’offrir avec un Nesbo.
      Et les histoires d’amour? J’en lis des plutôt très mauvaises et romantiques à souhait chez des auteurs hommes.
      @ Dominique Sylvain, merci pour le commentaire. J’aime bien quand un auteur (une auteure? je me perds dans mon genre) aime les mêmes auteurs que moi, ça me dit que je suis cohérente 🙂

  3. Éliane Says:

    J’adore ces échanges musclés! Pour ma part, comme d’habitude, je suis sur la clôture… Éric a raison pour les matantes, elles sont nombreuses chez les auteures. Mais, oh boy, les mononcles sont nombreux chez les auteurs itou! Et si on va à l’inverse, il y en a de tellement machobingbangs qu’ils en deviennent drôles autant qu’insupportables. Conclusion : il y a des auteurs qui nous énervent, tous sexes confondus!

    Ma dame préférée à moi, toutes catégories? Fred Vargas, pour presque l’ensemble de son oeuvre. Est-ce que ça fait de moi une matante? Va savoir…

  4. Éric Forbes Says:

    En général. J’aurais dû ajouter: en général. Comme dans la phrase: Les auteurs féminins m’ennuient, en général. Car elles ne m’ennuient pas toutes, non. Quelques unes m’indiffèrent, d’autres m’intéressent. Gimenez Bartlett, par exemple, dans les auteurs modernes, m’intéresse. Quand ses histoires de cul ne prennent pas le dessus sur le reste. Soit une fois sur deux. Pour ce qui est de vous, Madame Sylvain, je ne vous ai jamais lu. Ne le prenez pas personnel, je n’ai que deux yeux et un petit budget ! Je vais essayer d’y remédier bientôt. Pour ce qui est des auteures que vous citez, Highsmith, oui, d’accord, sauf qu’elle est morte depuis une éternité. Kirino? Je dirais qu’elle écrit des romans de moeurs, pas vraiment du polar. Mais bon, c’est mon interprétation à moi. Hayder ? Oui. Sauf que ses derniers livres tombent dans le fantastique et j’ai horreur de ça ! En fait le problème des matantes, comme le dit Éliane, c’est qu’il y en a tellement que la fôret cache ce joli arbre qui ne demande qu’à être admiré!

    Morgane, quand je parlais de lectrices typiques de polar, je causais de dames d’un certrain âge, pas d’une jeune fille qui a fait du genre sa spécialité! Tu dis que tu ne conseilles pas aux lectrices de Steel, des bouquins de Nesbo (ici j’aurais aimé que tu donnes en exemple une auteure féminin 😉 ), sauf que la plupart des lectrices ne nous demandent pas conseil. MacDonald, Higgins Clark, Mankell, Connelly, du pareil au même pour beaucoup.
    Une avant-dernière chose. Toi qui tient un blogue depuis quelques années, je serais curieux de connaitre le pourcentage de livre d’auteurs féminin dont tu as fais la chronique. 😉
    Et la dernière: il y avait un peu de provoc derrière tout ça. Depuis le temps, tu me connais quand même un peu !

  5. Éric Forbes Says:

    Monsieur Spehner ? Monsieur Spehner ? J’ai besoin d’aide, Monsieur Spehner !


  6. J’avais lu, à l’époque ce livre, la copie ne m’a pas séduit, j’ai abandonné, l’impression de relire le souvenir du livre… je n’aime pas relire un livre

  7. norbert spehner Says:

    Monsieur Spehner étant aux prises avec de triviaux problèmes de toiture et de gouttières vient juste prendre connaissance de la Guerre des Matantes ! Vaste sujet, qui mériterait un article… Mais quelques remarques brèves pour empoisonner le débat…

    – Il y en a de plus en plus, elles sont de plus en plus nombreuses même si les lecteurs francophones sont relativement épargnés par les polars tricots, polars décoration, sudokus, toilettage de chiens et chats, shopping et autres loisirs typiquement matantiques qui sévissent en masse chez les mamies américaines !

    Ceci dit, si je fuis comme la peste un certain nombre d’auteurs féminins, je lis volontiers les oeuvres de Maud Tabachnik, Karin Slaughter et quelques autres
    qui écrivent de « vrais » polars purs et durs. Mo Hadyer n’a jamais égalé son Tokyo et dérive lamentablement dans l’horreur. Val McDermid tourne en rond…

    Je n’ai lu qu’un polar de Dominique Sylvain (Guerre sale) et mis à part quelques petites réserves (un critique se doit de chialer un peu, non ?) qui n’ont d’ailleurs rien à voir avec le matantisme, on est loin du polar pour rombière. C’est du solide…

    Petit paradoxe intéressant: alors que les mecs fuient comme la peste les polars trop « féminins » (je ne nommerai personne, mais Louise Penny, Chrystine Brouillet, Elizabeth George, que je ne nommerai pas…of course ! ) les auteurs « machos » (Lee Child, Richard Stark, James Lee Burke, etc…) ont un vaste public d’admiratrices. Qui a dit qu’il y avait une justice ?

    Bon, je suis parti pour l’article… Après la facture du toit, j’ai pas vraiment envie de me farcie une guerre des sexes.

    A l’enthousiaste Morgane, je souhaite un bon séjour dans les Cantons de l’Est. Je sais que tu nous raconteras tout ça…Mon seul regret, c’est de manquer une belle occasion de te rencontrer. Bon festival…


    • J’ignore où vous en êtes au Québec, mais en France, ce sont plutôt les hommes qui écrivent des histoires à l’eau de rose (tout simplement pour faire résonner la douce musique du tiroir-caisse). Je pense à nos chers Marc Lévy et Guillaume Musso nationaux. Certes, ils n’écrivent pas de polars (quoique, Musso, peut-être un peu, je ne sais pas, je ne le lis pas…) mais ce sont les champions toutes catégories dans la rubrique matante/mononcle (si j’ai bien compris cette charmante et exotique expression). Pour répondre à Eric, certes Patricia Highsmith est morte mais la femme qui a inventé l’irrésistible Ripley ne mourra jamais tout à fait. Du moins dans mon coeur. Chester Himes et Ed MCBain sont tout aussi refroidis mais ont tout de même écrit des romans inoubliables. Et encore très lisibles aujourd’hui. Bref, mort ou vivant, masculin ou féminin, seul compte le talent… Non ?

  8. Éric Forbes Says:

    Merci infiniment M. Spehner ! J’ajouterai, pour ma défense, que je ne déteste pas une bonne histoire d’amour lorsqu’elle est bien amenée et lorsqu’elle ne prend pas trop de place. Sauf que chez beaucoup, beaucoup d’auteurs féminins, ce n’est pas le cas. D’ou ma réticence a les lire. Voila! M’enfonce-je davantage ?

  9. Morgane Says:

    Je pars travailler une journée et ça s’emballe ici! J’aime ça, moi! Et oui Éric, je me doutais bien qu’il y avait un peu de provoc là-dedans, mais je me paye le plaisir d’y répondre.
    Il faudrait que je compte mes auteurs féminins sur Carnets Noirs, je sais par contre qu’en librairie, j’en conseille de plus en plus, parce qu’elles sont là et qu’elle me plaise. Mais je crois qu’Éliane touche quelque chose. Il y a du mauvais polar trop gars et trop fille. Mais on peut ne lire ni l’un ni l’autre. En tant que lectrice, je suis comme Dominique Sylvain auteur, je me fous du sexe, seul le talent compte.
    Finalement, la guerre des sexes n’aura pas lieu 🙂
    @ Norbert, je raconterai Knowlton et on se fera une rencontre ailleurs!

  10. norbert spehner Says:

    C’est hors de propos mais j’ai vu sur une quatrième de couverture de Dominique Sylvain était née àThionville, une ville où , dans une autre vie, j’ai passé de nombreux dimanches avec une jolie blonde qui habitait Hayange ! Nostalgie, nostalgie…

    Éric… Sans histoire d’amour (et de passion) le facteur n’aurait jamais sonné deux fois.Cain toé ! Mais tu as parfaitement raison: tout est dans le traitement, dans le dosage, dans le taux de sucre !
    Faut pas nous refiler le diabète.

    • Éliane Says:

      Ah… nos dimanches à Thionville!

      Meuh non, ce n’est pas moi la fille, j’étais même pas née! Mais quand même, cher Norbert, tu n’es pas si hors-sujet : les amourettes et le polar, c’est le thème du jour. Y chassiez-vous le papillon, comme le grand Georges, dans l’échancrure de certain corsage?


      • La région de Thionville est plus connue pour ses friches industrielles que sentimentales, Norbert, mais bienvenu dans le club. Ma nostalgie à moi c’était un beau gosse aux cheveux noirs qui sortait des Beaux-Arts et tirait les larmes si on le regardait trop longtemps. On pourra peut-être se mettre tous d’accord en admettant que dans un (bon) polar, les « histoires d’amour finissent mal, en général ».

      • Morgane Says:

        J’espère que ce n’est pas pour me dire que Serge ne rejoint pas Louise, ça! Parce que l’écrire ferait tomber dans le happy end mièvreux, mais j’ai bien envie de l’imaginer, moi. Et puis, je m’en fous, j’imagine ce que je veux 🙂


      • Oui, c’est ça ! Une fin ouverte, c’est bien mieux. Chaque lecteur se fait son propre cinéma. Et en n’écrivant pas la scène de retrouvailles, on évite de faire monter le taux de sucre…

  11. Éliane Says:

    La preuve est faite, tout finit par des chansons!


  12. Je passe par ici par hasard et je lis avec intérêt cette note sur cet auteur que je ne connais. Mais, passionnée de polar, je vais m’empresser de le rajouter sur ma liste de livres à lire. On ne doit pas rater un bon livre. Merci ! bonne journée.


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