Engageons-nous, lecteurs de polars!

À Montréal, c’est le temps du FIL, le Festival International de Littérature. Au programme, rencontres, lectures, spectacles et hommages. On y retrouve aussi un petit volet polar, Lisez l’Europolar, avec entre autres deux tables rondes organisées samedi dernier. Il n’y a pas beaucoup d’évènements autour du policier, en tout cas pas assez à mon goût. Je ne pouvais pas laisser passer l’occasion et me voilà donc à la maison des écrivains.

La première rencontre s’intitulait Qui sont les véritables héros des romans policiers? Elle était animée par Chrystine Brouillet avec comme invités Teresa Solana, une Catalane, et Francisco José Viegas, un Portugais. Je crois que je parlerai assez peu de cette première table ronde, on m’accuserait de faire du mauvais esprit. Et puis j’aurais plutôt envie de vous dire tout ce que cela aurait pu être plutôt que ce que cela a été. C’est vrai, qu’est-ce qu’un héros de polar? Comment conçoit-on un personnage principal qui peut aussi être le tueur et tout de même le héros du livre? La question est large, car quel peut être le point commun entre Philip Marlowe, Pepe Carvalho, Adamsberg, John Rebus et tous les autres? Mes oreilles étaient grandes ouvertes, cela aurait pu être un sujet passionnant mais… dommage. Allez, j’arrête là. J’irai peut-être jeter un coup d’œil sur les livres de Viegas, l’auteur m’a plu.

Puis, pour nous permettre de relaxer avant la deuxième table ronde, une pause d’une trentaine de minutes. Petite note pour le FIL, c’est long trente minutes quand on ne connait personne, qu’on ne fume pas, qu’il n’y a pas de café, qu’on n’a pas envie de faire le pied de grue dehors et que finalement on est là pour écouter des gens parler de ce qu’on aime. Ça m’a bien permis d’avancer dans Un employé modèle, c’est sûr, mais quinze minutes auraient suffi à mon avis.

Et donc, retour pour la deuxième table ronde. Stanley Péan anime (magistralement) la rencontre Littérature policière, littérature engagée? avec Massimo Carlotto, un Italien, et Juan Madrid, un Espagnol. Alors, là, on me parle! Le niveau vient de monter d’un cran, la passion avec. Une heure trente d’échanges pour nous dire la corruption, la violence étatique, les dangers du capitalisme et comment le roman noir peut être l’outil idéal pour nous raconter cette réalité. Ça fait mal et en même temps qu’est ce que ça fait du bien. Avec un magnifique accent espagnol, Juan Madrid nous dit que « la littérature est politique » et il nous raconte ce que veut dire être un auteur politique en Espagne actuellement. Dans un italien rapide et aidé par son traducteur Laurent Lombard, Massimo Carlotto répond à l’auteur espagnol, parlant de la corruption italienne, de la mafia qui ne lit pas et qui donc n’attaquera pas l’auteur de fiction qui la dénonce. Il cite un auteur que je n’ai malheureusement pas noté et qui disait à peu près « j’écris pour que le mensonge triomphe ». Ça change du polar de plage, non? Ils nous expliquent que c’est une nouveau fonctionnement littéraire qui s’organise où le lecteur contacte l’auteur pour lui parler de cas précis. Une littérature engagée? Oh oui et pas qu’un peu. Je les écoute et je vois à travers eux Dominique Manotti, Manuel Vázquez Montalbán et les autres poulpes de ce monde littéraire que la société ne laisse pas indifférent et qui chacun à leur manière nous parle du monde dans lequel nous vivons.

Ouf, ça fait du bien à écouter, ça donne envie de lire encore plus de polar, enfin du bon! Et ça donne envie de se fâcher un peu aussi. Car c’est là mon petit coup de gueule peut-être complètement injuste. C’est bien que le FIL donne une place au polar dans sa programmation, même très bien. Dommage que ce ne soit pas vraiment mieux publicisé car la salle n’était pas très pleine. En plus, et mea-culpa si je me trompe, elle était peuplée en bonne partie de membres des différents centres culturels et ambassades qui participaient à l’évènement. Ça discutait sec dans mon dos en italien. L’autre partie de l’audience, sans vouloir vexer personne, se composait du public habituel des tables rondes de festivals littéraires, soit des femmes d’âge moyen (ce qui ne les empêcheraient pas de lire du polar, d’ailleurs, mais j’ai comme un doute). Ce n’est pas que je ne veux pas qu’elles soient là, au contraire. C’est plutôt que je cherche l’autre public, celui qui me ressemble et qui mange du polar au petit déjeuner. Où te caches-tu public mauvais genre pour poser tes questions pointues et passionnées? C’est un peu trop propret ici. Je me demande s’il en est de même en France et j’en doute, je lis trop de compte-rendus de rencontres sur les blogs polar.

Dommage, encore une fois. Mais ce n’est pas grave, peut-être la prochaine fois. En tout cas, moi j’y crois à des discussions passionnantes autour du polar à Montréal, et Stanley Péan, Juan Madrid et Massimo Carlotto m’ont fait entrevoir que c’était possible.

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12 commentaires sur “Engageons-nous, lecteurs de polars!”

  1. Éric Forbes Says:

    Avoir su, je me serais sûrement déplaçé, j’aime beaucoup Carlotto. Problème de publicité, tu disais… En fait, mea culpa, aussi, un peu. J’ai toujours cru que le FIL était anglophone (ou peut-être confonds-je avec le Métropolis bleu ou quelque chose d’approchant?) Et que ce type de festival ne traitait que de vraie (sic) littérature, la blanche et pure.
    Et dire que j’ai raté Chrystine Brouillet ! Hon!

  2. Jean-Marc Says:

    Carlotto et Madrid ! Belle affiche.

    En France, ben ça dépend. Tu peux avoir foule, et foule de passionnés, et tu peux aussi te retrouver avec l’animateur, l’auteur, de copains, et basta …

  3. Richard Says:

    Et que j’aurais aimé participer à cette rencontre …
    Mais je viens d’apprendre avec ton billet que cette table ronde avait lieu !!!

    Shame on me !!!
    Et surtout, comment se fait-il que je n’ai pas vu de publicité ???

    Il se passe si peu de choses en polar au Québec …

    • Liceal Says:

      Pourquoi Brouillette est-elle partout. Madame moi, moim, moi animatrice d’une table ronde, j’imagine ce que cela a dû être….

    • Morgane Says:

      @ Éric et Richard: En fait, il n’y a pas eu de publicité propres aux évènements polar. Il fallait éplucher le programme du FIL. C’est peut-être là le problème. Les festivals ne ciblent pas et nous connaissons mal nos festivals. Au fait, Éric, le Métropolis bleu, c’est bilingue, voire trilingue 🙂

      @ Jean-Marc: Je pense que Carlotto sera aussi présent à Toulouse, non? En tout cas, c’est un plaisir de l’écouter.

  4. andré Says:

    La publicité fut en effet légère. Je l’avais vue, mais je ne pouvais pas y aller. Dommage, semble-t-il. On en veut d’autres!

    • Morgane Says:

      Vais-je lancer des rumeurs que… peut-être… il y aurait des petites choses en préparation?

  5. Jean-Marc Says:

    Carlotto sera effectivement à Toulouse, et en plus j’aurai le plaisir d’animer une rencontre avec lui dans une bibliothèque.

  6. jeanjean Says:

    merci pour ce compte-rendu, ça avait l’air très intéressant.
    Quant à : « la littérature est politique », pas d’accord, et ça me semble franchement réducteur. Ce genre de phrase définitive, j’ai tendance à m’en méfier, et même, ça m’énerve. Quand les romans se transforment en tracts politiques, adieu littérature, enfin c’est mon avis…

    • Morgane Says:

      Je prenais le mot politique au sens large, les affaires de la cité. Et je pense que effectivement le polar est l’un des genres littéraires qui permet le mieux de parler de la vie en société. Ce qui ne veut d’ailleurs pas dire transformer cela en tract politique. C’est plutôt être le témoin, mais on le sait, un témoin est rarement impartial. Mais je comprends ta réticence et je la partage dans une certaine mesure. Je crois que j’avais quand même besoin d’un certain engagement des auteurs après beaucoup de « j’écris du polar mais pour dire autre chose », « L’histoire n’est pas vraiment importante », « je veux juste divertir ». Parce que moi, je ne veux pas être seulement divertie.


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